Je ne vous apprends rien en commençant cet article par rappeler que l’été 2022 a connu une sécheresse d’une ampleur inédite en France, depuis le début des relevés météorologiques. Cet épisode désastreux est le résultat d’une conjonction de facteurs qui ont amené de nombreux records de température à être dépassés un peu partout en France.
Selon moi, la question qui se pose est donc : Vient-on de vivre un phénomène extrêmement improbable, du type « sécheresse centennale », ou n’était-ce que les prémisses d’un changement climatique qui verra se reproduire ces conditions régulièrement ?
J’ai essayé, à mon niveau, de recueillir et recouper des informations fiables pour comprendre au mieux le phénomène et tenter d’en tirer des pistes de conclusions.
Quelles sont les causes de la sécheresse 2022 ?
L’été 2021 avait été plutôt humide (rappelez-vous des sévères épisodes de mildiou), et globalement l’état des nappes phréatiques en fin d’automne 2021 était plutôt satisfaisant en France. L’hiver 2021-2022 a été plutôt doux sur l’ensemble de la France (la fin de l’année 2021 a été la plus chaude jamais mesurée en France depuis 1947), avec une absence de neige sur une grande partie du territoire, excepté dans les Pyrénées, où leur abondance a provoqué des inondations. Pendant ce temps, le quart Sud-Est commençait déjà à être largement en déficit d’eau. Au printemps, les températures ont été en moyenne entre 1 et 3°C au dessus de leurs normales. Les cumuls de précipitations ont été déficitaires d’entre 40 et 60% globalement. Ce printemps se classe au troisième rang des printemps les plus secs sur la période 1959-2022 à l’échelle de la France.
Cet hiver et ce printemps 2022 avaient déjà amorcé les conditions d’une sécheresse, avec un manque d’eau significatif, des températures plus chaudes et un ensoleillement plus important. L’été s’annonçait donc compliqué, et on n’avait encore rien vu.
A partir de début juin, un phénomène de goutte froide se forme au large du Portugal. Il s’agit d’une masse d’air froid, en rotation cyclonique (dans le sens inverse des aiguilles d’une montre). Ceci crée une dynamique qui amène l’air très chaud d’Afrique du Nord (Sahara et Maghreb) directement sur la façade Ouest de la France, jusqu’en Bretagne, créant ainsi un phénomène appelé « plume de chaleur ». Ces premiers événements créent la première vague de chaleur de l’été, particulièrement dans l’Ouest de la France.
Environ un mois plus tard, début juillet, la seconde vague se met en place. La goutte froide est toujours présente, et cette fois-ci elle est renforcée par une onde beaucoup plus vaste, qui réchauffe toute l’Europe jusqu’à la Scandinavie.
Début Août, encore une vague de chaleur, jusqu’aux premiers vrais orages de l’été, aux alentours du 15 août, qui offrent un premier répit à certaines zones qui profitent des précipitations, tout en subissant bien souvent des inondations.
Un événement inédit et improbable ?
Durant cet été, la barre des 40°C a été dépassée dans de nombreuses localités françaises, l’équivalent de 20 ans de feux de forêts ont été brûlés en 2 mois, la Loire a été quasiment à sec, on a vu des vols d’eau dans des citernes publiques en Ardèche, les éleveurs savoyards ont du monter des camions de foin dans les alpages et abattre une partie de leurs troupeaux…
Alors certes, cette sécheresse 2022 a été la pire jamais enregistrée, n’en déplaise aux « climato-septiques » qui sont particulièrement véhéments sur internet ces temps-ci. Mais est-elle un événement isolé ?
Finalement, quand on observe les causes, on se rend compte qu’il s’agit d’une accumulation de plusieurs phénomènes, accumulation elle-même assez incroyable. Mais quand on prend les causes une par une, aucune n’est étonnante. Hiver chaud et sec, goutte froide, sont des phénomènes qu’on a déjà vécu indépendamment ces dernières années. Leur fréquence devient simplement plus importante avec le temps qui passe.
A quand la prochaine ?
Cette sécheresse pourrait-elle se reproduire ? Dans 10 ans ? 5 ans ? L’année prochaine ? Personne n’en sait rien, mais sur Twitter, Christophe Cassou, climatologue au CNRS et membre du GIEC, nous donne son avis :
⁉️Du mal a percevoir ce qu’est un climat a +2°C, seuil que l’on atteindra vers 2050 si on se contente des politiques publiques actuelles,
demandez aux toulousains, ils le vivent⁉️
L’anom de🌡️depuis le 1e Jan est +2°➡️ Cette année est un analogue du climat normal ds 25-30ans👇
🧵 pic.twitter.com/wFsdCyFbjs— Christophe Cassou (@cassouman40) July 24, 2022
Du côté de nos politiques actuels, le problème continue d’être dramatiquement ignoré, mais pour les agriculteurs, la question se pose sérieusement. Il va falloir adapter les cultures et les élevages pour faire face à ces conditions climatiques extrêmes, qui seront la norme demain. Espèces et variétés cultivées, modes de culture, modes d’élevages, régime alimentaire… Il faudra repenser nos productions, certaines traditions et conforts devront sans doute être abandonnées. Mais espérons que cet été 2022 sera celui de la prise de conscience collective, et que de nombreuses innovations verront le jour !